Un investisseur qui miserait aujourd’hui sur l’indice d’actions le plus diversifié des marchés développés mondiaux, le MSCI World, serait plus exposé aux titres Nvidia et Apple (environ 11 %) qu’à l’ensemble de l’Union européenne, qui reste sous la barre des 10 %. Si l’on ajoute le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège, l’Europe élargie atteint à peine 15 %, soit moins d’un quart des États-Unis.

Un indice de ce type ne fait évidemment que refléter la composition du marché, mais il incite néanmoins à réfléchir au fait que les États-Unis, dont le poids dans le PIB mondial est d’environ 25 %, représentent plus de 70 % de la capitalisation boursière mondiale.

La grande oubliée

Il est désormais avéré que l’Europe est passée, au cours des dernières décennies, du statut de centre névralgique du monde à celui d’acteur secondaire. Cela est démontré par le fait qu’après avoir raté le train de la grande révolution technologique de l’Internet, elle semble désormais peiner, à quelques rares exceptions près, à innover dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Ce n’est pas un hasard si la technologie, qui représente 30 % de la capitalisation totale dans les indices mondiaux, n’est que le sixième secteur dans le Stoxx 600 (le plus grand panier d’actions de l’Europe élargie), avec seulement 8 %. Il existe également une raison technique pour laquelle l’Europe est de plus en plus faible sur le front boursier, y compris au niveau de la gouvernance.

C’est ce qu’explique Laurent Chaudeurge, membre du comité d’investissement de la société de gestion BDL Capital Management, spécialisée dans les actions européennes.

« Aujourd’hui, les investisseurs américains détiennent près de 25 % du flottant des sociétés européennes. Mais, en raison de la gestion passive, l’influence des États-Unis sur la gouvernance des entreprises du continent est probablement deux fois plus importante, soit la majorité du capital circulant ».

En effet, souligne le gestionnaire de fonds, « la gestion passive est un quasi-oligopole de trois gestionnaires américains qui appliquent des principes de gouvernance génériques imposés par deux conseillers en vote américains, ISS et Glass Lewis : cela signifie que la grande majorité des actifs en gestion passive votent lors des assemblées selon les recommandations de ces organismes américains ».

Les petits à la rescousse

De là, à souhaiter la disparition de l’Union européenne, comme l’ont fait Elon Musk et, indirectement, Donald Trump, le saut quantique est toutefois abyssal. D’autant plus que l’Europe, depuis longtemps en désaccord avec son allié transatlantique traditionnel, et confrontée à la menace russe à ses frontières orientales, a commencé à réfléchir activement à sa souveraineté.

Un concept déjà décliné dans les grands plans de dépenses pour la défense et les infrastructures qui, s’ils sont confirmés, mobiliseront plus de mille milliards d’euros de ressources dans les années à venir. Mais ce n’est pas tout. « L’Europe présente aujourd’hui des valorisations plus attractives que les États-Unis et une concentration moindre que le S&P 500 », rappelle M. Chaudeurge. Il suffit de penser que la première société du Stoxx 600, la néerlandaise ASML (puces électroniques), pèse 2,9 % de l’indice, contre 8,5 % pour Nvidia dans le plus grand panier d’actions américaines.

De plus, souligne le gestionnaire de fonds, le Vieux Continent regorge d’entreprises « d’une très grande qualité industrielle : leaders mondiaux dans les domaines de l’ingénierie, de l’automatisation, de l’énergie et de la santé ». Sans compter que « le processus de souveraineté économique européenne génère des dépenses d’investissement (capex) structurelles dans les domaines de la défense, de l’énergie, des infrastructures numériques et de la transition électrique ».

Les 16 titres de la souveraineté européenne à ne pas manquer

Compte tenu de ces prémisses, BDL Capital a composé pour Netpublic un panier de 16 titres européens (tous cotés sur les bourses européennes sauf un titre britannique) qui, selon les stratèges de la société de gestion, sont en mesure de renforcer la souveraineté industrielle et technologique de l’Europe.

Le tableau ci-dessous indique leur capitalisation boursière, leur rendement total en 2025, leur potentiel de croissance selon le consensus des analystes (la valeur moyenne est de 12,1 %, la médiane de 13,2 %) et leurs valorisations par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ces titres ne sont pas nécessairement bon marché, bien au contraire : ils se négocient en moyenne à un multiple de près de 19 fois les bénéfices attendus, contre 14,7 fois pour l’indice MSCI Europe. Ils restent toutefois bien moins chers que les actions américaines, qui se négocient à près de 23 fois les bénéfices estimés.

Société Capitalisation (M€) Performance totale 2025 (%) Nombre d’analystes Potentiel de hausse (%) PER attendu à 12 mois Décote / prime vs 5 ans (%)
Énergie, réseaux et infrastructures
Prysmian 24 874 9,82 22 8,90 18,15 -32,43
Vinci 70 315 24,97 27 13,70 12,66 -37,73
Eiffage 11 897 48,73 21 18,20 10,41 -19,36
Saint-Gobain 43 489 3,94 23 19,80 12,77 -44,06
Oersted 180 740 -24,08 35 -0,60 17,88 -38,47
E.ON 39 567 38,17 24 12,00 13,96 -45,74
Fluidra 4 523 2,80 18 16,30 16,67 -47,48
Défense
Airbus 153 133 27,69 28 17,70 24,24 -2,88
Leonardo 27 543 85,83 23 21,50 20,80 35,50
Thales 47 037 67,29 19 21,90 20,80 -37,95
Tech, semi-conducteurs et automatisation industrielle
Siemens 191 080 145,14 27 6,60 21,43 -3,25
Technoprobe 8 747 133,07 8 -17,30 54,65 -7,79
Hexagon^ 292 462 4,08 21 12,70 22,42 -39,26
Convatec^^ 4 481 5,64 17 34,80 15,38 -70,71
Automobile
Mercedes 58 881 23,27 30 0,90 8,96 3,11
Daimler Truck 29 506 9,82 21 5,70 10,49 -0,29