2024 sera-t-elle une année difficile pour les marchés financiers ? Comment l’économie mondiale va-t-elle réagir après les turbulences provoquées par la pandémie, la guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient ? Les investisseurs commencent à se poser ces questions alors que l’année 2023 touche à sa fin. Et les réponses ne sont pas forcément réjouissantes.

Selon certaines évaluations d’analystes et d’experts, il y a en effet au moins deux raisons de craindre le pire l’année prochaine. Entre la montée des risques géopolitiques et l’appel aux urnes dans des pays stratégiques, de nouveaux bouleversements pourraient frapper les grandes nations du monde. Dans un contexte où la croissance économique mondiale est très incertaine, où les guerres menacent les prix des matières premières et où les tensions entre les États-Unis et la Chine restent vives, tout changement politique pourrait avoir des répercussions sur l’économie et, par conséquent, sur les marchés financiers.

1. Le risque géopolitique

De la guerre en Ukraine aux tensions entre les États-Unis et la Chine, en passant par le conflit actuel entre Israël et le Hamas, la géopolitique est omniprésente. Et c’est un facteur de risque, y compris pour les investisseurs. Les risques géopolitiques seront la principale menace qui pèsera sur les perspectives économiques en 2024. Alors qu’elles dessinent le paysage de l’investissement pour l’année à venir, les institutions financières mondiales s’attendent à un environnement géopolitique de plus en plus difficile et à une plus grande divergence entre les régions clés, ce qui exacerbera l’incertitude et la volatilité du marché.

Dans une enquête sur les risques mondiaux menée le mois dernier par Oxford Economics auprès de 130 entreprises, près des deux cinquièmes des personnes interrogées considèrent la guerre entre Israël et le Hamas comme une menace très importante pour l’économie mondiale au cours des deux prochaines années.

Les inquiétudes concernant les relations entre la Chine et Taïwan et entre la Russie et l’OTAN sont tout aussi répandues, et les tensions géopolitiques préoccupent les entreprises à la fois à court et à moyen terme, 62 % d’entre elles citant la géopolitique comme un risque très important pour l’économie mondiale. “La démondialisation et la hausse persistante des prix du pétrole, qui pourraient toutes deux être déclenchées par des tensions géopolitiques accrues, sont également très présentes dans la dernière enquête“, ont déclaré les chercheurs d’Oxford Economics.

Le Fonds Monétaire International prévoit un ralentissement de la croissance mondiale à 2,9 % en 2024, avec des divergences croissantes entre les régions : une croissance plus forte est estimée aux États-Unis et dans les grands marchés émergents, tandis que la Chine et la zone euro devraient connaître des difficultés.

Roland Temple, stratège en chef du marché chez Lazard, a fait remarquer : “Pour naviguer dans le paysage géopolitique changeant – et parfois dangereux – il faudra probablement avoir accès à une expertise approfondie, car les questions géopolitiques qui auraient pu être ignorées dans le passé peuvent désormais avoir un impact direct sur les chaînes d’approvisionnement et les clients des entreprises.

M. Temple a prédit que le conflit entre la Russie et l’Ukraine se prolongerait jusqu’en 2024, alors que la contre-offensive ukrainienne perdrait de son élan en hiver et que la fiabilité du financement et de l’aide militaire de l’Occident susciterait de plus en plus d’inquiétudes. En ce qui concerne le Moyen-Orient, la “situation la plus inflammable” serait une extension du conflit entre Israël et le Hamas aux États voisins, y compris l’Iran. Le risque de cette forme d’escalade serait la perturbation du transit des approvisionnements énergétiques par le détroit d’Ormuz, par lequel transite environ 20 % de l’approvisionnement mondial en pétrole.

Toutefois, M. Temple affirme que toutes les parties, y compris l’Iran, Israël et les États-Unis, ont tout intérêt à éviter cette issue, et que la situation géopolitique la plus dangereuse sur le plan économique est celle des tensions entre la Chine et l’Occident au sujet de la concurrence et de Taïwan. Marc Nachmann, responsable de l’Asset & Wealth Management chez GSAM, et son équipe s’attendent à ce que les chaînes d’approvisionnement minières critiques fassent l’objet d’une attention particulière en raison de leur importance croissante dans la transition vers l’énergie propre, ainsi que de leur vulnérabilité potentielle aux chocs d’approvisionnement. Là encore, il s’agit d’une question géopolitique.

2. Des élections politiques cruciales

L’année 2024 comporte potentiellement 40 motifs de risque d’instabilité. Ce chiffre fait référence aux élections qui auront lieu dans toutes les parties du monde, avec des scrutins vraiment importants. Dans ses perspectives d’investissement pour l’année prochaine publiées lundi, Goldman Sachs Asset Management note que les élections aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, en Inde, à Taïwan et en Russie augmenteront l’éventail des possibilités pour l’économie mondiale de s’écarter de sa trajectoire actuelle.

La division de gestion d’actifs du géant de Wall Street a noté que les inquiétudes concernant la viabilité de la dette publique et de la trajectoire budgétaire aux États-Unis pourraient s’accroître à l’approche de l’élection présidentielle de novembre prochain, tandis que les risques socio-économiques intérieurs – tels que les grèves dans certains secteurs sur fond de niveaux d’inflation obstinément élevés – pourraient persister dans toutes les grandes économies et peser davantage sur la croissance.

L’alerte la plus élevée concerne le vote à Taïwan, selon M. Temple. Les élections qui se tiendront à Taïwan au début de l’année 2024 seront déterminantes pour le reste de l’année. Le Parti démocrate progressiste (DPP) est actuellement loin devant le Kuomintang (KMT), plus favorable à Pékin. “Une victoire du DPP aggraverait probablement les tensions avec Pékin, car le DPP est considéré comme favorable à une déclaration formelle d’indépendance, une ligne rouge pour le gouvernement chinois“, souligne l’analyste.