Le compte à rebours pour le 8 septembre a commencé. Le Premier ministre français, François Bayrou, a demandé un vote de confiance sur son gouvernement, les partis d’opposition ayant critiqué ses réformes fiscales controversées (réduction du déficit de 44 milliards d’euros en 2026 et suppression de deux jours fériés nationaux).

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Il s’agit d’une tentative visant à réduire le déficit élevé de la France, qui a conduit la Commission européenne à placer Paris sous procédure pour déficit excessif. Selon les prévisions de la Commission européenne (mai 2025), la proposition de M. Bayrou permettrait de ramener le déficit à 4,6 % du PIB en 2026, contre un déficit prévu de 5,7 %.

La chute inéluctable de François Bayrou

La France Insoumise, le Rassemblement National et le Parti Socialiste ont déjà déclaré qu’ils voteraient contre, ce qui devrait entraîner la chute du gouvernement dirigé par Bayrou.

« Sans le soutien d’au moins l’une de ces forces, le gouvernement Bayrou perdra la confiance et tombera ».

Emmanuel Macron aura deux options : nommer un nouveau Premier ministre ou organiser des élections anticipées. Même si cela augmente le risque de nouvelles élections, nous pensons qu’Emmanuel Macron cherchera d’abord à former un autre gouvernement centriste intérimaire. Il est peu probable qu’il choisisse un Premier ministre de centre-gauche ; s’il le faisait, la réduction du déficit serait moins importante que celle poursuivie par Bayrou.

Un éventuel successeur de Bayrou risquerait de connaître le même sort, l’opposition étant prête à rejeter toute consolidation budgétaire importante. De plus, de nouvelles élections ne garantiraient pas une plus grande stabilité politique et pourraient même conduire à un parlement encore plus fragmenté.

La réaction des marchés

Depuis l’annonce de Bayrou, le 25 août dernier, les obligations d’État françaises ont été largement vendues. Le rendement de l’OAT à 10 ans est passé de 3,42 % le 22 août à 3,52 %. Le spread OAT-Bund (allemand) à 10 ans s’établit à 80 points de base (contre 70).

D’autres facteurs pourraient contribuer à l’élargissement du spread OAT-Bund, notamment l’annonce d’élections anticipées par le président Macron (déjà partiellement anticipée, mais pas totalement) ou sa démission éventuelle (scénario hautement improbable avant les élections présidentielles de 2027).

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La BCE n’interviendra pas

La BCE interviendra difficilement : de nombreux instruments, tels que le TPI, plus flexible et plus rapide (Francfort peut acheter des titres d’État d’un pays dont la situation financière risque de fausser l’effet des taux officiels sur le reste de l’économie) et/ou l’OMT (l’achat de titres d’État émis par un pays en difficulté économique, mais uniquement si celui-ci adhère à un programme d’ajustement économique) sont conçus pour un élargissement « injustifié » des spreads.

Dans le cas présent, on pourrait toutefois soutenir que la vente des titres français est « justifiée ». Francfort s’intéresse davantage à la vitesse de variation des rendements qu’à leur niveau absolu. Cela dit, si les risques de fragmentation devaient augmenter au-delà des prévisions, nous nous attendons à ce que la BCE trouve quand même un moyen d’intervenir, même si elle ne peut pas utiliser le TPI sur la France, afin de protéger l’intégrité de l’euro

Le risque d’une dégradation de la note de la France

La prochaine révision de la note (voir notre article sur la notation financière) est attendue par Fitch le 12 septembre, immédiatement après le vote de confiance. Cependant, Fitch avait déjà envisagé en mars l’échec du gouvernement Bayrou et le scénario d’élections anticipées au second semestre 2025.

Le fait que Fitch maintienne une perspective négative et que la France ait une notation similaire à celle du Royaume-Uni (considéré comme moins problématique sur le plan fiscal et politique) augmente le risque d’une dégradation. Cependant, les agences de notation ont tendance à agir lentement, de sorte que toute dégradation pourrait se produire de manière progressive.

Quel avenir pour la France versus les autres pays endettés ?

À l’heure actuelle, les perspectives budgétaires françaises semblent moins favorables que celles d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie. Bien que la France ait une dette publique équivalente à 113 % du PIB en 2024 (contre 135 % pour l’Italie), le déficit français est de 5,8 % du PIB contre 3,4 % pour l’Italie. Les deux pays font l’objet d’une procédure pour déficit excessif, mais l’Italie devrait parvenir à le réduire, tandis que le parcours de la France est plus accidenté.

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Avec la chute du gouvernement Bayrou et le rejet probable par le Parlement du budget 2026 avant la fin de l’année, le budget 2025 restera gelé, ce qui augmentera légèrement le déficit en 2026 par rapport aux prévisions de la Commission européenne . Le ministre des Finances, Eric Lombard, a même émis l’hypothèse que la France pourrait faire appel au FMI, ce que l’expert juge improbable : le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) serait d’abord activé, mais dans les deux cas, des réformes structurelles seraient nécessaires, ce qui est impossible avec un parlement fragmenté. Par ailleurs, le 1er septembre, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a elle-même exclu que la France ait besoin de l’aide du FMI ou du MES.

Toutefois, la viabilité de la dette française est une préoccupation sérieuse. En Allemagne et en Espagne, l’écart entre le taux d’intérêt moyen sur la dette publique (r) et le taux de croissance de l’économie (g) – c’est-à-dire le r-g – est négatif. Un écart r-g négatif favorise la viabilité de la dette (c’est-à-dire qu’il génère un effet boule de neige positif).

En France et en Italie, en revanche, le différentiel r-g est positif, avec un effet boule de neige défavorable. Cela dit, l’Italie affiche un excédent primaire qui peut en partie compenser la dynamique négative de la dette due à un différentiel r-g positif. La France, en revanche, présente un déficit primaire qui souligne l’urgence pour le pays de réduire son déficit.