
À l’inverse, la force de l’euro est principalement liée au changement radical de cap stratégique au sein du gouvernement allemand, qui a prévu d’investir 500 milliards d’euros dans un plan d’infrastructure crédible.
« À cela s’ajoute le processus bien connu de réarmement. Tout cela entraîne une hausse de la courbe des taux et une probable expansion économique : d’excellents carburants pour la monnaie unique », explique Fabien Caldera, gestionnaire de portefeuille. Le fait est que les corrélations historiques entre le dollar et les actions (Wall Street a atteint de nouveaux sommets historiques) sont en train de disparaître, ce qui pourrait entraîner de nouvelles ventes de dollars afin de rééquilibrer les positions trop exposées au risque de change.
1. Pas de choc
Les investisseurs se demandent s’il est temps de réduire leur exposition à la devise américaine. Cependant, Jan Viebig, directeur des investissements chez Oddo Bhf, déconseille de prendre des décisions d’allocation basées sur les taux de change. « Nous pensons que les investisseurs à long terme ne doivent pas s’inquiéter outre mesure. Par exemple, au cours des 20 dernières années, l’indice MSCI World a enregistré un rendement annuel moyen de 8,9 % en dollars, mais de 9,3 % en euros. Au cours des dix dernières années, le rendement moyen a été de 9,9 % par an en dollars et de 9,6 % en euros. Si la performance du marché entre les devises tend à être similaire sur le long terme, sur une période plus courte, l’écart peut être plus important », observe M. Viebig.
2. Plus d’Europe et de marchés émergents
Compte tenu d’un contexte macroéconomique encore marqué par une incertitude politique, commerciale et géopolitique élevée, bien qu’en baisse, les experts recommandent une allocation d’actifs équilibrée et diversifiée, y compris sur le plan géographique, pour le second semestre 2025. Il reste constructif sur les actions mondiales, avec une préférence tactique pour l’Europe et les marchés émergents par rapport aux États-Unis, où le positionnement reste structurellement positif, mais avec une attitude plus prudente.
Le renforcement des devises émergentes par rapport au dollar pourrait soutenir davantage la reprise. Les révisions à la hausse des estimations de bénéfices des marchés émergents par rapport aux marchés développés reprennent et le marché actions EM continue d’afficher des valorisations relativement bon marché ainsi qu’un positionnement peu engagé des investisseurs.
Dans cette optique, nous restons concentrés sur la Chine, grâce à la relance budgétaire et à l’IA, sur l’Inde, avec sa croissance intérieure et sa politique expansionniste, et sur le Brésil, qui bénéficie des exportations agricoles et d’une baisse potentielle des taux.
3. Les actions immunisées
Un contexte persistant de euro fort, au-delà du seuil délicat de 1,20 évoqué par le vice-président de la BCE, Luis De Guindos, entraînerait une pénalisation considérable des exportations dans des secteurs clés qui doivent déjà faire face à divers défis, outre celui, plus récent, des droits de douane. Peu de titres bénéficient de l’affaiblissement du dollar, il s’agit principalement des sociétés qui paient leurs matières premières et/ou leurs produits en dollars mais vendent en euros.
Par ailleurs, ces derniers jours, on a assisté à de bonnes performances de titres qui sont négativement affectés par la faiblesse de la devise américaine, comme certains titres du secteur du luxe. Cela s’explique par le fait que certains titres sont toujours considérés comme intéressants, même s’il peut y avoir un effet négatif si l’affaiblissement du dollar par rapport à l’euro se poursuit.
4. Obligations à 5 et 7 ans
Tout en restant patiente dans cette phase, la Fed pourrait devoir reprendre sa politique d’assouplissement monétaire, avec au maximum deux baisses de taux d’ici la fin de l’année si les droits de douane pèsent sur la croissance. Les experts prévoient que les taux à long terme resteront dans une fourchette historiquement large, avec un rendement des bons du Trésor américain à 10 ans compris entre 3,75 et 4,75 %. Ils soulignent que lorsque les rendements obligataires se situent entre 4 % et 6 % et que les valorisations boursières sont élevées (ratios cours/bénéfices supérieurs à 23), les obligations ont historiquement tendance à surperformer les actions au cours de la décennie suivante.
Les émissions de haute qualité, telles que les obligations de crédit sont particulièrement intéressantes car elles constituent une source de revenus stable et permettent de diversifier le risque actions.
5. Liquidité en dollars et or
D’un point de vue monétaire, une partie du portefeuille pourrait être tactiquement consacrée à des investissements dans des obligations à court terme en dollars ou même simplement à un ETF sur la liquidité en dollars, d’autant plus que le taux de change se rapproche du seuil délicat de 1,20. Il s’agit d’un seuil important, qui ne pourrait être franchi que de manière marginale, mais le dollar, même s’il a perdu de sa valeur, continue de jouer un rôle prépondérant dans le système mondial. Par conséquent, au cours du second semestre 2026, une réévaluation progressive ne peut être exclue. Si tel était le cas, cela reproduirait la tendance observée lors du premier mandat de Trump : le dollar s’est déprécié jusqu’au début de 2018, frôlant la barre des 1,26, avant de s’inverser .
Enfin, il convient de souligner l’importance de conserver dans son portefeuille jusqu’à 10 % d’or, compte tenu du contexte géopolitique tendu qui pousse les banques centrales mondiales à diversifier leurs réserves en dollars vers l’or. La capitalisation actuelle des marchés américains, construite sur les flux de capitaux étrangers, est le véritable risque systémique que personne ne prend vraiment en compte :
« Je pense que le dollar est destiné à baisser jusqu’à 1,4 contre l’euro et 120 contre le yen d’ici 12 à 18 mois maximum, provoquant la rupture des carry trades et déclenchant un mouvement général de fuite vers les valeurs refuges sur les actifs financiers américains », prévient Martin Nouvelle.
L’or poursuivra donc sa tendance haussière actuelle et devrait atteindre un objectif de 3 700/3 800 dans les 6 à 9 prochains mois, un nouveau record historique.