L’Occident n’atteind pas les objectifs de décarbonisation. Seule la Chine est dans la course, qui ne rencontre aucun obstacle réglementaire ou financier, tandis que même en Europe, porte-drapeau de la lutte contre les émissions polluantes et le réchauffement climatique, les plus ardents défenseurs de la cause verte doivent se mesurer à la vérité des chiffres.

La production d’énergie propre augmente, mais reste marginale

La croissance d’une année sur l’autre est là, mais pas au rythme nécessaire. Quelques exemples : l’objectif de tripler la production d’énergie à partir de sources renouvelables pour atteindre 11 000 gigawatts en 2030 semble plus lointain que les six années qui nous séparent encore de cette date. Dans son rapport sur 2023, l’Agence internationale de l’énergie prévoit en effet que “sur la base des politiques et des conditions de marché existantes, la capacité renouvelable mondiale atteindra 7 300 Gw d’ici 2028, en retard sur l’objectif de 2030″.

L’AIE – qualifiée de principal arbitre du jeu vert par John Kerry, l’envoyé présidentiel américain pour le climat – s’efforce de voir le verre à moitié plein, mais doit admettre que cela ne va pas assez loin.

L’industrie pétrolière et gazière n’accompagne pas la poussée verte plus que nécessaire. Un rapport publié ces jours-ci par AlphaValue met en lumière les chiffres réels de l’industrie, en additionnant les dépenses d’investissement des plus grandes compagnies pétrolières européennes, telles que TotalEnergies, Shell, BP, Eni, Equinor, Omv, Repsol et Galp. Jusqu’en 2030, environ 35 à 40 milliards d’USD d’investissements annuels seront encore alloués aux combustibles fossiles.

La production d’énergie propre augmente, mais reste marginale, tout comme les rendements financiers inférieurs à 10 %. Il faudrait environ 20 à 25 milliards de dollars de plus que les investissements en amont pour atteindre les objectifs écologiques.

Pourtant, il existe des étapes intermédiaires à franchir pour favoriser la transition énergétique. Par exemple, selon l’Edfe (Environmental Defense Fund Europe), une grande partie des 120 milliards de mètres cubes de gaz perdus chaque année en raison de défaillances des gazoducs ou de la pratique du torchage, c’est-à-dire de la combustion inévitable du gaz excédentaire produit, pourrait être éliminée presque gratuitement. Au moins 80 milliards de mètres cubes pourraient être remis sur le marché.

Pour l’hydrogène vert, l’analyse est redoutable. La capacité des énergies renouvelables pour la production de carburants à base d’hydrogène ne devrait augmenter que de 45 Gw entre 2023 et 2028, soit seulement 7 % de ce qui était prévu à l’origine. “Malgré l’annonce de nouveaux projets et de nouvelles canalisations, les progrès sont lents. Nous avons revu nos prévisions à la baisse pour toutes les régions”, confirme l’AIE.

La voiture électrique passe la marche arrière

Freinage, voire marche arrière, pour le secteur des véhicules électriques. Ici, les mouvements de l’industrie parlent d’eux-mêmes. De nombreux grands groupes automobiles aux États-Unis, tels que Ford et General Motors, revoient leurs plans à la baisse, et même Tesla, lors d’une réunion avec des analystes, a admis une tendance des ventes “nettement plus faible” pour l’année en cours.

Le jeudi 22 février, le marché a également tiré la sonnette d’alarme avec les estimations à la baisse de la production de véhicules électriques des start-ups Rivian et Lucid, dont les actions ont chuté respectivement de 27,5 % et de 19,5 % le jour de l’annonce.

Mercedes a ensuite reporté de 2025 à 2030 son objectif de porter à 50 % la part des voitures électriques dans les ventes totales. Mais une alerte inattendue est même venue de Norvège, considérée comme l’un des pays les plus verts d’Europe, où 86 % des immatriculations concernent des voitures électriques. Le gouvernement d’Oslo avait fixé à 2025 la date limite pour arrêter les ventes de camionnettes thermiques, mais à ce jour, le taux de véhicules électriques n’a pas atteint 30 %. L’échéance a donc été repoussée à 2027, au grand embarras des autorités norvégiennes.

Un bain de réalisme s’impose également pour l’impopulaire directive sur les maisons vertes afin de sauter la classe énergétique, qui reviendra au Parlement européen à la mi-mars. L’obligation pour les bâtiments résidentiels d’atteindre au moins la classe E n’existe plus. Seuls des objectifs généraux subsistent, et les États membres sont libres de décider comment y parvenir, à condition que les objectifs intermédiaires de réduction de la consommation soient atteints : de -16 % d’ici 2030 à -20-22 % d’ici 2035.