
On craint une forte augmentation des coûts de financement pour la France
Quoi qu’il en soit, le frein budgétaire continue de susciter des inquiétudes, notamment en raison de l’absence d’accord sur les coupes budgétaires. Avec un cinquième Premier ministre, Sébastien Lecornu, en deux ans, la France doit désormais se concentrer sur le contrôle de son déficit, le plus important de la région. De plus, vendredi 12 septembre, Fitch se prononcera sur le pays. Une dégradation est possible si la crise s’aggrave.
Luke Bartholomew, économiste en chef adjoint chez Aberdeen Investments, reste convaincu que la prochaine décision de la BCE sera une hausse des taux plutôt qu’une nouvelle baisse, mais pas dans l’immédiat. Il a donc averti qu’une augmentation marquée des coûts de financement pour Paris pourrait mettre sous pression l’économie de la zone euro et pousser à de nouvelles mesures expansionnistes. Une intervention explicite de Francfort sur le marché de la dette française semble toutefois, pour l’instant, assez improbable.
La tension sur les OAT françaises s’atténue
La défiance envers le gouvernement Bayrou a placé la France dans une situation difficile en ce qui concerne son budget et le remboursement de sa dette publique. En effet, pendant la crise du gouvernement, l’écart entre les OAT et les Bunds allemands à dix ans est passé de 65 à 80 points de base (il est retombé à 78 points le 11 septembre, le rendement des OAT à 10 ans ayant baissé à 3,44 %, celui des BTP de même échéance ayant également baissé à 3,48 % et celui des Bund à 10 ans ayant augmenté à 2,66 %).
« Nous estimons que, même si un gouvernement doté des pleins pouvoirs, dirigé par Lecornu, venait à être mis en place, l’écart s’élargirait jusqu’à 90 points. Cela conduit rapidement le rendement des OAT à 10 ans vers 3,6 %, compromettant la viabilité de la dette », prévoient le responsable de la recherche macroéconomique et de la stratégiechez Ofi Invest.
Toutefois, les problèmes de la France ne devraient guère affecter les perspectives de croissance actuelles de la zone euro, même si l’on devait aboutir à des scénarios plus pessimistes, tels que la dissolution de l’Assemblée nationale et la démission du président Emmanuel Macron. Il est certain que pour stabiliser la croissance de la dette française, il faudrait procéder à des ajustements budgétaires globaux de 100 milliards d’euros d’ici 2030, un chiffre sans précédent qui suppose que tous les autres facteurs restent inchangés. Toutefois, l’attitude accommodante de la BCE peut contribuer à maintenir les taux d’intérêt (et le spread) à des niveaux modérés.
À quoi s’attendre de la part de Fitch, Moody’s et S&P ?
Pour Adam Kurpiel, responsable de la stratégie des taux chez Société Générale, le marché semble à l’aise avec la fourchette actuelle de 70 à 90 points de base pour le spread Oat/Bund. Seules de nouvelles élections pourraient élargir l’écart de rendement entre la France et l’Allemagne à 90 points de base ou plus. Quant aux agences de notation appelées à se prononcer sur Paris dans le contexte de chaos politique et social lié au mouvement de protestation « Bloquons tout », Fitch affiche une perspective négative depuis octobre 2024 et une note AA-.
« Une dégradation est donc probable, d’autant plus que la même agence de notation a dégradé la Belgique, l’Autriche et la Finlande », prévoit M. Kurpiel.
Le 24 octobre, Moody’s, qui avait déjà déclassé Paris en 2024, devrait se prononcer. En avril de cette année, elle n’a pas modifié la note aa3 et la perspective stable, « une perspective qui pourrait devenir négative en octobre. En revanche, le 28 novembre prochain, nous ne prévoyons aucune action de la part de S&P, qui a déjà une perspective négative depuis février 2025 et une note AA-. La dégradation pourrait intervenir l’année prochaine. Dans tous les cas, une dégradation de la note de la France ne changera guère le traitement réglementaire des OAT pour les banques et les compagnies d’assurance de la zone euro », conclut M. Kurpiel.