Au commencement était ChatGpt : la sortie en novembre 2022 du chatbot le plus célèbre au monde, accompagné d’un investissement de plusieurs milliards de dollars de la part de Microsoft, a mis en avant (y compris sur les marchés) une technologie qui progressait depuis des années dans l’ombre, dans les divisions recherche et développement des grandes entreprises technologiques : l’intelligence artificielle.

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Aujourd’hui, elle est devenue la mégatendance par excellence dans les portefeuilles d’investissement, fortement soutenue par les sociétés de gestion qui, au cours des trois dernières années, se sont livrées à une course effrénée pour lancer des fonds et des ETF thématiques qui tentent de surfer sur la vague.

Après la phase initiale d’euphorie, « avec des rendements sur trois ans de l’ordre de 55 % », les investisseurs se trouvent désormais à la croisée des chemins : la course effrénée à l’IA n’était-elle qu’un feu de paille ? La phase de désillusion est-elle sur le point de prendre fin ? Ou pire encore : les valorisations élevées atteintes par les titres sont-elles le signe d’une bulle sur le point d’éclater ? « Le présent raconte une histoire moins brillante : la performance de l’année en cours est proche de zéro, signe que la course a connu un ralentissement nécessaire après l’ivresse initiale », précise Mme Zerbina analyste financière, qui poursuit : « L’IA se paie également d’une volatilité systématiquement plus élevée, autour de 25 % sur un an, ce qui en fait le secteur le plus instable du panier technologique ».

Performance et coûts des fonds IA

On recense pas moins de 16 fonds et ETF dédiés à cette mégatendance, avec une performance moyenne de 2,7 % en 2025 et de 26,4 % sur un horizon annuel. Le tout avec des coûts moyens de 1,15 %, mais très variables : ils vont en effet de 0,35 % pour les compartiments passifs à 2,39 % pour les fonds communs de placement à gestion active.

Les gestionnaires tentent actuellement de déterminer quels seront les sous-secteurs de l’IA les plus avantageux à l’avenir, et ceux qui ont déjà trop progressé. Un cas récent qui a attiré l’attention de tous est celui d’Oracle, une société spécialisée dans les infrastructures cloud pour l’intelligence artificielle, qui, après avoir fourni des prévisions très optimistes sur ses revenus pour les années à venir, a été récompensée en une seule séance par un bond de 40 % en bourse.

« Non seulement la demande d’infrastructures pour l’IA n’a pas chuté, mais elle a même dépassé les attentes », souligne Bertrand Born, gestionnaire de portefeuille senior Digital Economy chez Swisscanto.

« Au cours du premier semestre 2025, les bénéfices des géants américains de la technologie ont augmenté en moyenne de 23 %, dépassant les prévisions des analystes et surpassant la plupart des autres secteurs. »

Comment comprendre qui s’occupe réellement de l’IA ?

Avec l’ETF Artificial Intelligence (coûts annuels de 0,49 %), L&G affiche une performance de 9,3 % depuis janvier. Rappelons, qu’il est aujourd’hui plus crucial que jamais de s’exposer à des titres dont l’IA est la principale source de revenus. « Nous utilisons un système de notation, créé et détenu par Robo Global, qui nous permet d’avoir une idée claire du potentiel de croissance d’une certaine entreprise, de ses investissements réels dans l’IA, de son leadership dans le secteur et du pourcentage de ses revenus générés par ce thème ».

Tandis qu’Amundi, avec l’ETF Msci Robotics & AI (-2,4 % en 2025 mais +42 % sur trois ans avec des coûts de 0,45 %), vise à identifier « les noms de premier plan dans le domaine de l’intelligence artificielle ainsi que les entreprises industrielles qui intègrent l’IA dans leurs produits et services dans différents secteurs », observe Michael Stewart, responsable de la stratégie commerciale actions chez Amundi ETF & Indexing. De cette manière, poursuit le gestionnaire de fonds, « les investisseurs peuvent accéder à un panier diversifié d’entreprises qui ouvrent la voie à l’avenir de l’intelligence artificielle et qui la mettent déjà en œuvre aujourd’hui pour générer des rendements dans un large éventail d’applications différentes ».

La question des valorisations

Malgré des coûts supérieurs à la moyenne (2,39 % de commissions annuelles), Lfde, avec son compartiment actif Echiquier Artificial Intelligence, affiche une performance de 5,2 % en 2025, soit près de 70 % sur une perspective de trois ans. En ce qui concerne le thème des évaluations, Christophe Pouchoy, gestionnaire de fonds d’actions internationales, voit « des opportunités d’investissement avec des évaluations attrayantes en termes de croissance future dans les segments des services Internet et cloud et des applications logicielles ».

En ce qui concerne la taille des titres, il ajoute : « Les sociétés à grande capitalisation ont bénéficié de manière disproportionnée de l’essor de l’IA générative grâce à leur recherche et développement interne et à leur forte génération de flux de trésorerie, qui leur permettent de financer les investissements massifs nécessaires à la construction de la capacité des centres de données. Cependant, nous voyons un plus grand potentiel pour les petites entreprises, qui offrent des solutions personnalisées basées sur des modèles d’intelligence artificielle ».

La comparaison avec la bulle Internet

De son côté, Oddo Bhf Am aborde cette classe d’actifs avec le fonds Artificial Intelligence (+0,3 % en 2025, +56 % sur trois ans avec des frais de 0,95 %). Selon Brice Prunas, gestionnaire du fonds, la phase actuelle ne laisse pas présager une bulle, et pour l’expliquer, il fait une analogie avec la crise des dotcoms du début des années 2000.

« Contrairement à la bulle Internet d’il y a vingt-cinq ans, les valorisations de l’IA peuvent encore être mesurées à l’aide de multiples de bénéfices ou de flux de trésorerie disponible adéquats, ce qui fait une différence notable ».

En ce qui concerne les sous-secteurs les plus intéressants, pour le gestionnaire de fonds, « la monétisation des investissements considérables réalisés jusqu’à présent pourrait provenir d’utilisations liées à la productivité dans des domaines qui utilisent intensivement les données, allant de la santé aux logiciels, en passant par les services financiers et le secteur manufacturier, sans compter les applications révolutionnaires déjà présentes, par exemple, dans le domaine de la publicité ».