
Une forte mobilisation en vue
Les inquiétudes quant à la viabilité des finances publiques surviennent à un moment critique, marqué par des contestations politiques et sociales croissantes. Le gouvernement français se prépare en effet à faire face à une mobilisation populaire le 10 septembre prochain : les syndicats et l’opposition descendront dans la rue pour s’opposer au projet de budget, contestant des mesures impopulaires telles que la suppression éventuelle de jours fériés et le gel de 3 000 emplois dans la fonction publique.
Conscient de la délicatesse du moment, le Premier ministre Bayrou a annoncé que le 8 septembre, à la veille de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, il demandera un vote de confiance sur son gouvernement, en invoquant l’article 49.1 de la Constitution française. Selon la chaîne BFMTV, ce vote servira à confirmer l’engagement du gouvernement à réduire le déficit public, fixé dans un plan d’économies ambitieux de 44 milliards d’euros. Ce n’est qu’après ce vote que le gouvernement sera prêt à discuter en détail des différentes mesures contenues dans le plan, afin de contenir l’urgence fiscale qui met à rude épreuve les finances de la France.
La France, entre dette et déficit : un défi structurel croissant
Selon les données de la Banque centrale européenne, la France présente actuellement un ratio dette/PIB supérieur à 114 %. Ce chiffre, comparé aux 67 % du début du millénaire, est particulièrement alarmant. Avant la crise financière de 2008, la dette publique était sous contrôle, mais la récession déclenchée par la bulle des prêts hypothécaires à risque a fait grimper ce ratio à 88 % en 2010.
Depuis lors, la dette publique a continué d’augmenter régulièrement, atteignant 100 % en 2016 et restant à ce niveau jusqu’en 2019. Puis, avec la pandémie, le coup de grâce : la dette publique a bondi à 118 % en 2020, une hausse qui, bien qu’atténuée au cours des deux années suivantes, n’a pas été suivie d’une réelle amélioration. En effet, depuis 2003, le ratio n’a cessé d’augmenter.
Pour bien comprendre cette dynamique, il faut se pencher sur le déficit, qui représente depuis des années un véritable défi structurel pour le pays. En 2025, le ratio déficit/PIB s’établira à 5,46 %, avec une moyenne de 6,16 % pour les six dernières années. Ce chiffre est bien supérieur au seuil de 3 % prévu par le traité de Maastricht, considéré par les principaux économistes comme la limite « saine » pour une économie.
Quelles sont les causes de cette tendance ?
Le déficit français est alimenté par une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels : l’augmentation des dépenses publiques, nécessaire pour soutenir la croissance économique et la protection sociale, a alourdi le poids des finances publiques, aggravé par la faible capacité à augmenter les recettes fiscales et le niveau élevé de fraude fiscale. En outre, comme le souligne l’OCDE, la difficulté à contenir les dépenses, dans un contexte de croissance modérée et de chômage élevé, reste un obstacle important.
Paris n’est pas seule dans la bataille des comptes publics
Les principales économies européennes, telles que l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, sont confrontées à des défis similaires en matière de dette publique et de ratio déficit/PIB, même si leurs trajectoires présentent des différences significatives.
L’Allemagne, traditionnellement vertueuse, a vu sa dette augmenter depuis la crise de 2008, pour atteindre 81 % du PIB, selon les données de la BCE. Toutefois, une fois la récession provoquée par la bulle financière américaine maîtrisée, la dette publique a entamé une trajectoire descendante jusqu’en 2019, année où le ratio dette/PIB s’établissait à environ 59 %. Au cours de l’année de la pandémie, cet indicateur a bondi à 68 %, conformément à l’évolution de la dette publique de toutes les économies occidentales, avant de revenir à des niveaux normaux au cours des années suivantes.
À la fin de 2024, l’Allemagne affichait une dette publique équivalente à 62 % de son produit intérieur brut. La rigueur budgétaire de Berlin est attestée par son déficit qui, à l’exception des exercices 2009-2010 et 2020-2021, n’a jamais dépassé 3 % du PIB. Au cours de ces deux exercices, il avait temporairement dépassé le seuil de Maastricht afin de soutenir l’économie.
L’Espagne, en revanche, a enregistré une forte augmentation de sa dette, qui est passée de 40 % à 100 % du PIB après la crise de 2008, et a dépassé 120 % en 2020. Le déficit espagnol a oscillé entre 5 % et 6 % ces dernières années, bien au-delà du seuil de 3 % fixé par le traité de Maastricht, et l’Espagne tente désormais de réduire son déficit malgré une croissance incertaine et un taux de chômage élevé.
L’Italie, pour sa part, a connu une dynamique similaire : la dette publique est passée de 103 % en 2007 à 155 % en 2025, avec un déficit attendu autour de 5,46 % en 2025. Le pays lutte contre l’augmentation inévitable des dépenses publiques, des difficultés budgétaires et une pression croissante sur la viabilité de la dette, similaire à celle de l’Espagne et de la France.