Calcul du seuil de pauvreté : une question d’interprétation ?
Etre pauvre : une notion qui interpelle. D’autant qu’elle peut toucher n’importe qui, à un moment donné de sa vie. Mais qu’est-ce que cela signifie être pauvre, car si on interroge différentes personnes, chacune a son point de vue sur la question, au-delà même d’un chiffre.
Alors que l’on parle de pauvreté absolue quand une personne ne peut pas répondre à ses besoins élémentaires (manger, se loger, accéder aux soins, à l’éducation…), il existe aussi une définition qui est plus relative, car corrélée à une définition monétaire que nous allons donner plus avant dans cet article.
Pourquoi vouloir connaitre le seuil de pauvreté ? Déjà pour savoir si l’on peut bénéficier d’aides sociales, par le biais des minima sociaux, à l’instar du RSA par exemple ou encore d’aide au logement. Mais même si on n’est pas concerné, cela peut permettre de comprendre parfois certains mécanismes car le fait de se trouver en situation de pauvreté peut conduire à la rupture des liens sociaux, augmenter certaines peurs etc…
Il ne faut pas oublier que dans une société riche et moderne, le fait d’être catégorisé comme « pauvre » peut être extrêmement discriminant, avec des conséquences diverses pour la personne qui vit cette situation (se sentir exclue, perdre la confiance et l’estime d’elle-même, s’isoler…).
Comment est déterminé le seuil de pauvreté en France ?
Il faut ajouter les aides sociales potentiellement perçues et enlever les impôts qui sont des prélèvements obligatoires du revenu disponible pour savoir si une personne est pauvre. On se réfère alors à un indicateur monétaire. Il faut savoir que les chiffres que l’on peut trouver concernant les personnes considérées comme vivant sous le seuil de pauvreté peuvent considérablement varier selon les organismes, mais sont aussi biaisés par le fait même des conditions d’établissement des statistiques.
En effet, un comptage qui ne prend pas en considération des personnes âgées en EHPAD, des SDF, des migrants ou encore des personnes en milieu carcéral ne peut pas être exhaustif en la matière et c’est pourtant généralement ainsi que cela est déterminé, puisque l’on se base uniquement sur les personnes vivant en logement dit ordinaire.
Les organismes se basent aussi sur le niveau de vie médian ou le SMIC dont les montants ne sont pas identiques. Ainsi, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France oscille entre 8,1 et 9,1% de la population selon ces différences.
Le seuil de pauvreté selon l’INSEE
Le seuil de pauvreté selon l’INSEE est la norme officielle pour savoir si une personne est en situation de pauvreté relative. Le seuil est corrélé à la composition familiale et au revenu médian en appliquant différents pourcentages (l’INSEE applique une base de 60%). Ainsi, une personne seule qui perçoit moins de 1 216 euros par mois est vue comme pauvre. Cela monte à 1 581 euros pour une personne seule avec un enfant de moins de 14 ans.
Un couple avec deux enfants de moins de 14 ans qui percevrait moins de 3 041 euros par mois est considéré comme pauvre par l’INSEE. On trouve ainsi différents schémas de compositions familiales pour déterminer si l’on fait partie des personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France.
Seuil de pauvreté selon la composition familiale
Composition familiale | Seuil de pauvreté |
---|---|
Personne seule | 1 216 euros |
Personne seule avec 1 enfant de moins de 14 ans | 1 581 euros |
Personne seule avec 1 enfant de 14 ans ou plus | 1 825 euros |
Couple sans enfant | 1 825 euros |
Couple avec 1 enfant de moins de 14 ans | 2 190 euros |
Couple avec 2 enfants de moins de 14 ans | 2554 euros |
Couple avec 1 enfant de 14 ans ou plus | 2 433 euros |
Couple avec 1 enfant de moins de 14 ans et l’autre de 14 ans ou plus | 2 798 euros |
Couple avec 2 enfants de 14 ans ou plus | 3 041 euros |
Privation matérielle et sociale : comment savoir si on est pauvre ?
Au-delà des revenus, subir une « pauvreté humaine » ; c’est-à-dire ne pas avoir de bonnes conditions de vie peut laisser à penser que l’on est pauvre ou se sentir comme tel. Toujours selon l’INSEE, cela concernerait 13,1% de la population en France. Pour le déterminer, l’organisme a listé 13 éléments concernant une personne ou un ménage. Si on correspond ne serait-ce qu’à 5 d’entre eux, on peut se considérer comme en état de pauvreté humaine et donc matérielle et sociale.
Pouvoir faire un repas ou prendre un verre avec des amis une fois par mois pour une personne seule ou encore avoir des activités régulières de loisirs font partie de ces éléments. On peut aussi citer la possibilité de pouvoir s’acheter des vêtements neufs, d’avoir deux paires de chaussures en bon état, de pouvoir dépenser un peu d’argent sans être en obligation de demander l’avis des membres de la famille ou de pouvoir utiliser Internet depuis chez soi.
Concernant un ménage, le fait de ne pas avoir d’impayé de loyer par exemple, d’avoir une épargne de précaution lui permettant de répondre à un imprévu financier de 1 000 euros, en sont d’autres. Citons également la possibilité de pouvoir chauffer son logement, d’être en capacité financière de remplacer un meuble cassé ou usé, de consommer des protéines ou équivalent, de s’acheter un véhicule ou encore de pouvoir partir en vacances une fois par an, pendant une semaine.
Menace de pauvreté : le baromètre du Secours Populaire
Pauvreté absolue, pauvreté relative : et s’il existait aussi un seuil de pauvreté subjectif ? C’est ce que démontre le baromètre mis en place par le Secours Populaire. L’institut de sondage IPSOS a interrogé les français pour déterminer ce qui est, selon eux, le niveau sous lequel ils s’estimeraient pauvres. Il correspond à 1 396 euros nets mensuels ; soit quasiment le montant du SMIC.
Ce baromètre montre que la peur d’être pauvre augmente au fil des années. Alors que 58% des personnes s’étaient déjà senties menacées de pauvreté en 2023, ce pourcentage a augmenté pour atteindre les 62% en 2024 ; sachant qu’en 2025, une personne sur 4, selon un sondage, est à découvert à partir du 16 de chaque mois. Si on se réfère à ce baromètre, le nombre de personnes vivant en France et se considérant comme pauvres est en nette augmentation.
Quels sont les facteurs de risque pour tomber sous le seuil de pauvreté ?
Si l’INSEE fait référence en la matière, il ne faut pas oublier que certains organismes, dont l’Observatoire des Inégalités, peuvent permettre d’en apprendre beaucoup sur les facteurs qui peuvent augmenter le risque de tomber sous le seuil de pauvreté ; même si, comme dit, ils ne se basent pas sur les mêmes données chiffrées pour le déterminer. Cependant, malgré ces différences, certains points ressortent de manière similaire. Ainsi, 35,3% des chômeurs sont concernés par la pauvreté monétaire, tout comme certains travailleurs indépendants, ce qui signifie que le fait d’avoir un travail n’empêche pas d’être prédisposé à la pauvreté.
Nous pouvons aussi citer certaines familles monoparentales (31,4% d’entre elles), du fait de leur isolement, le fait d’avoir trois enfants et plus pour les couples, le handicap, l’âge (notamment les jeunes) ou encore l’origine. A ce titre, les personnes émigrées, par rapport aux français, sont 3 fois plus pauvres. Le fait de ne pas posséder de diplôme ou d’avoir seulement le bac serait là aussi un facteur de risque avec respectivement 30 et 80% de risque de se trouver sous le seuil de pauvreté.
Où trouve-t-on le plus de pauvres ?
Plus de 60% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté vivent dans les pôles urbains ou les DOM selon l’Observatoire des Inégalités, et plus spécifiquement dans les centres villes ; avec les zones dites sensibles. L’insertion dans la société des jeunes y est difficile, tout comme le taux de chômage, qui est plus élevé qu’ailleurs. Si on prend les 20 quartiers les plus défavorisés de France, 70% des personnes qui y vivent sont en-dessous du seuil de pauvreté établi donc à 1 216 euros mensuels. Outre ce manque d’argent, ces personnes rencontrent plus de difficultés pour accéder aux soins, aux loisirs, à la culture etc…
Concernant les territoires d’Outre-Mer, 77% de la population vivant à Mayotte sont considérés comme pauvres, et cela touchait 36.1% des personnes vivant sur l’île de la Réunion en 2021. A titre d’exemple, cela est 3 fois plus qu’en France métropolitaine.
Existe-t-il un déterminisme social dans la pauvreté ?
Les statistiques de l’INSEE sont claires à ce sujet. Un jeune de 14 ans qui vivait dans une famille touchée par des problèmes de pauvreté a plus de chance de reproduire ce schéma en arrivant à l’âge adulte ; ce que l’on appelle le déterminisme. Cela dépend bien entendu si la situation était plutôt mauvaise, mauvaise ou très mauvaise. Dans ce dernier cas, le pourcentage est plus élevé (27%).
On estime après toutes ces statistiques que si un adolescent vivait dans une famille concernée par le fait de vivre sous le seuil de pauvreté, dans 66% des cas, il sera un adulte vivant en privation matérielle et sociale, comme expliqué dans un des paragraphes précédents.