L’indice Basic Resources Europe, qui regroupe les principaux opérateurs miniers cotés, a chuté en décembre à son plus bas niveau depuis vingt ans par rapport au Msci World. Ce chiffre, selon Marco Mencini, responsable de la recherche chez Plenisfer Investments, est “surprenant”, étant donné que certains métaux sont essentiels au processus d’électrification au cœur de la transition énergétique, un nouveau moteur structurel de la demande de matières premières à long terme. Parmi ces métaux figure le cuivre, qui se négocie actuellement à environ 8 400 USD la tonne, soit une baisse d’environ 11 % par rapport à il y a 12 mois.

La crise immobilière chinoise pèse

“Tout d’abord, explique M. Mencini, le cuivre a subi les effets de l’absence de redémarrage structurel de l’économie chinoise, en particulier du secteur immobilier local, qui représente traditionnellement jusqu’à 50 % de sa demande mondiale. Dans le même temps, “2023 a vu un équilibre substantiel entre l’offre et la demande de cuivre, ce qui a entraîné une compression des prix”.

Des perspectives qui s’assombrissent pour les géants du cuivre

Les perspectives ne s’améliorent pas pour 2024, bien au contraire. La nouvelle année “s’est ouverte sur un changement de scénario marqué : s’il y a quelques semaines encore, malgré une demande croissante attendue, on estimait que l’année en cours serait la dernière caractérisée par une offre excédentaire, aujourd’hui 2024 est candidate pour être la première année de déficit de l’offre de cuivre”, ajoute l’expert, soulignant qu’entre-temps, des problèmes croissants se sont matérialisés sur le front de la production, la plupart des géants de l’offre ayant revu à la baisse leurs prévisions pour 2024.

Panama First Quantum, filiale de la multinationale canadienne First Quantum Minerals, “exploitait la cinquième plus grande mine de cuivre extrait au monde. Après une longue négociation qui a abouti au renouvellement de la concession, celle-ci a été annulée par le gouvernement” du Panama, “un cas unique et sans précédent dans l’histoire moderne”, souligne Mencini. Entre-temps, “Anglo American a réduit sa production de 20 % pour tous les métaux, du cuivre au palladium, en raison de l’augmentation des coûts d’extraction et des complexités liées aux processus de production et à leur durabilité, un choix similaire à celui annoncé par Escondida au Chili (-10 %)”.

L’offre restera limitée au-delà de 2024

Dans ce contexte, l’expert souligne que le déficit de 2024 pourrait se creuser encore plus rapidement en cas d’augmentation de la demande sur le marché chinois ou de reprise du cycle économique. “La croissance de la demande de matières premières pertinentes, comme le cuivre, est fortement corrélée à la croissance du PIB mondial à long terme : en supposant une croissance du PIB mondial de 2 %, Wood Mac estime que la demande de cuivre pourrait augmenter de plus de 4 % par an au cours de la prochaine décennie”, souligne M. Mencini.

Plenisfer s’attend à ce que l’offre de cuivre reste limitée au-delà de 2024, principalement en raison de la complexité et des risques liés au lancement de nouveaux projets miniers et de la faible rentabilité attendue des investissements nécessaires à leur mise en œuvre. Parmi les facteurs de risque, il suffit de mentionner l’incertitude – politique, réglementaire et fiscale – qui caractérise les pays où se trouvent généralement les sites d’extraction (de la République du Congo au Pérou), qui souffrent souvent aussi du manque d’infrastructures adéquates (eau, énergie, transport), et les contraintes croissantes, notamment sur le plan ESG”, ajoute l’expert.

Parier sur la hausse des prix pour trouver l’équilibre

En ce qui concerne la viabilité financière des projets, M. Mencini souligne que le démarrage d’un nouveau site minier ne génère pas de bénéfices en espèces pendant des années et réduit la capacité à restituer du capital aux actionnaires. “L’augmentation des coûts et du temps nécessaire à la mise en place de nouvelles mines a fait grimper le prix cible du cuivre nécessaire pour générer un rendement supérieur au taux habituel de 15 % : le prix cible est maintenant de 12/13 000 dollars par tonne, ce qui est très éloigné des cotations actuelles.

Avec le prix actuel du cuivre, il est probable que les entreprises préféreront continuer à utiliser les flux de trésorerie pour rémunérer le capital plutôt que d’investir dans de nouvelles mines”, explique l’expert. Mencini souligne que seule une augmentation des prix pourrait convaincre les entreprises de lancer de nouveaux projets, qui sont nécessaires pour répondre à la demande croissante de cuivre. “Mais le prix devra augmenter de manière structurelle et substantielle pour inciter l’offre ou décourager la demande, afin que le marché s’équilibre. Le prix est donc le mécanisme qui peut corriger le déséquilibre structurel actuel du marché”, note-t-il.

Les experts s’attendent à ce que le cuivre connaisse des hauts et des bas cycliques, mais qu’il augmente à long terme pour atteindre le prix cible de 12/13 000 dollars par tonne, et reste donc positif quant aux perspectives du métal.