Il y a un an, en mars 2023, la faillite du Credit Suisse a fait du bruit, non seulement en raison de la taille de la banque suisse, mais aussi à cause de la décision de passer par pertes et profits 16 milliards de francs suisses d’obligations subordonnées AT1 (Additional Tier 1 ou Obligations Tier 1 supplémentaires), en sauvant à la place une partie des actions.

Une procédure jugée par beaucoup comme inhabituelle, mais “elle n’a pas marqué la fin de cette classe d’actifs“, note Romain Miginiac, responsable de la recherche pour les stratégies d’opportunités de crédit chez Gam Investments. “Des rendements extrêmement attractifs sur des fondamentaux très robustes ont dissipé la méfiance initiale liée à des pertes de l’ordre de 8 %. Environ 12 mois plus tard, les effets de la crise ont été complètement résorbés“.

Les obligations AT1 sont donc de nouveau populaires et, selon M. Miginiac, trois éléments permettent de penser que le marché est revenu à la normale.

Le rendement

Tout d’abord, 2023 a été une bonne année pour ceux qui ont choisi de miser sur les AT1 : “Le rendement total des AT1 mondiaux (couverts en dollars) s’est élevé en moyenne à 7,2 %, y compris l’effet de l’affaire Credit Suisse de plus de 5 %“, souligne l’expert. “Les obligations convertibles contingentes (CoCo) AT1 libellées en euros, qui n’incluaient pas les obligations du Credit Suisse, ont généré un bon rendement de 15,6 % en 2023, soit la troisième meilleure année de l’histoire.

Spreads

Un deuxième facteur est l’attrait accru de l’émission d’AT1 aujourd’hui par rapport à la période précédant l’affaire du Crédit Suisse : “Les spreads sur les AT1 sont de 390 points de base, contre 400 environ à leur pic d’avant le Crédit Suisse, début 2023, et en dessous de la moyenne à long terme d’environ 450 points”, commente M. Miginiac.

Une demande soutenue

Après l’effondrement de Credit Suisse, la plus grande émission a été réalisée en novembre 2023 par UBS, le géant suisse qui a incorporé Credit Suisse lui-même : la demande pour une double tranche d’AT1 de 3,5 milliards de dollars a été 10 fois supérieure à l’offre. “La demande record équivaut à plus de 15 % de l’ensemble du marché At1 (en termes de valeur de marché) et reflète l’intérêt considérable pour cette classe d’actifs“, ajoute M. Miginiac.

À quoi faut-il s’attendre en 2024 ?

Au vu des éléments cités, et notamment des rendements à deux chiffres générés par les AT1 entre fin 2023 et début 2024, pour les experts de Gam’s “le marché des obligations convertibles AT1 reste l’une des classes d’actifs les plus rémunératrices au sein du crédit liquide“. Ceci en considérant également que “les spreads se sont resserrés mais restent importants par rapport aux plus bas que nous avons enregistrés lors des cycles précédents, lorsqu’ils se situaient autour de 270 points de base début 2018“.

De plus, les institutions européennes sont solides – “Aucun système bancaire de l’UE n’a un ratio de prêts douteux supérieur à 5% et aucune banque de l’indice Stoxx Europe 600 ne devrait générer un roe inférieur à 6% entre 2024 et 2025” – et en 2023, 93% des AT1 ont été remboursés à la première date de remboursement, tandis qu’en 2024, plus de 60% des AT1 ont déjà été remboursés ou préfinancés, selon les estimations de Gam’s.

En conclusion, “les titres CoCo AT1 et la dette subordonnée des sociétés financières en général restent un instrument idéal sur les marchés du crédit“, selon M. Gam. Cette classe d’actifs, conclut M. Miginiac, permet aux investisseurs d’obtenir des rendements attrayants dans un secteur robuste et offre un bon potentiel de hausse lorsque les écarts se réduisent et que les obligations sont réévaluées au moment du remboursement. Dans un scénario d’atterrissage en douceur avec une inflation maîtrisée, où les banques centrales devraient réduire leurs taux, cette classe d’actifs offre l’un des rendements les plus élevés du marché et devrait bénéficier d’une nouvelle chasse au rendement”.