La BCE contre les augmentations de salaires : ce n’est pas nouveau, mais dans la dernière publication officielle de la banque centrale, la mission semble encore plus claire. Alors que Francfort lutte contre la hausse des prix par le biais de taux d’intérêt plus élevés – toujours en 2023 – l’observation de l’évolution de la masse salariale des travailleurs de la zone euro est prudente. Que se passe-t-il avec les salaires européens et pourquoi sont-ils si cruciaux pour les tendances de l’inflation ? Les réponses dans le document de la BCE.

Pourquoi la BCE ne veut pas de croissance des salaires ?

Dans sa tentative d’atteindre son objectif de ramener l’inflation à la cible de 2 %, la BCE ne se contente pas de relever les taux d’intérêt. Plusieurs facteurs sont observés. L’un d’eux est le salaire des travailleurs et plus particulièrement sa dynamique à court/moyen terme. Va-t-il monter ou descendre ? Le type de mouvement qui en résultera sera décisif pour l’inflation et la politique de la BCE.

Mme Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a expliqué la raison de cette focalisation sur les salaires des travailleurs et leur poids en cette fin d’année. Elle a averti que les salaires dans la zone euro augmentent plus rapidement que ce qui avait été estimé précédemment et que la BCE doit empêcher que cela ne vienne s’ajouter à l’inflation déjà élevée dans le bloc monétaire. Elle a précisé entre autre :

Nous savons que les salaires augmentent, probablement à un rythme plus rapide que prévu. Nous ne devons pas permettre aux anticipations inflationnistes de se dérégler ou aux salaires d’avoir un effet inflationniste… Nous devons veiller à ce que les causes intérieures que nous constatons (causes de la croissance des prix), qui sont principalement liées aux mesures fiscales et à la dynamique des salaires, ne conduisent pas à une consolidation inflationniste.

Le fait est qu’avec des salaires plus élevés, le pouvoir d’achat des consommateurs augmente généralement et, par conséquent, la demande de biens et, en fin de compte, l’inflation. Un processus, ce dernier, que la BCE surveille de près afin d’éviter toute pression supplémentaire sur des prix encore trop élevés.

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Les salaires dans la zone euro sont-ils vraiment en hausse ?

Le sujet des salaires dans la zone euro est revenu dans un document officiel de la BCE du 9 janvier dans le Bulletin économique. Il indique, en particulier, que la croissance des salaires dans la zone euro devrait être “très forte” au cours des prochains trimestres, mais que les salaires réels devraient continuer à baisser en raison de l’inflation rapide. Une flambée historique des prix a érodé les revenus réels au cours des deux dernières années et les entreprises commencent enfin à ajuster les salaires, ce qui fait craindre que l’inflation élevée ne se perpétue si la fixation des salaires est ajustée de manière plus permanente. En détail, les économistes ont écrit :

Cette (croissance prévue des salaires) reflète la robustesse des marchés du travail qui, jusqu’à présent, n’ont pratiquement pas été affectés par le ralentissement économique, la hausse des salaires minimums nationaux et un certain rattrapage entre les salaires et les taux d’inflation élevés.

Alors, bonne nouvelle pour les travailleurs et alarme pour la BCE ? En fait, “le ralentissement économique prévu et l’incertitude quant aux perspectives sont susceptibles d’exercer une pression à la baisse sur la croissance des salaires au-delà du court terme”, ont affirmé les économistes.

L’article du bulletin semblait toutefois minimiser les inquiétudes concernant les salaires, affirmant que les revenus réels continueront à baisser car l’inflation dépassera la croissance robuste des salaires nominaux. “Les salaires réels des consommateurs sont désormais nettement inférieurs à ce qu’ils étaient avant la pandémie et devraient encore baisser dans les mois à venir“, peut-on lire.

Les travailleurs n’ont guère de raisons de se réjouir, car la BCE observe et “espère” que les salaires n’augmentent pas suffisamment pour saper le travail en cours contre l’inflation. Les deux côtés de la médaille semblent très sombres pour les consommateurs en ce début d’année 2023.