La Commission publiera une taxonomie verte “monca” européenne en attendant la dissolution des nœuds les plus problématiques. L’énième désaccord entre la Commission européenne et les pays membres risque de faire sauter la banque de la taxonomie verte de l’UE. Ainsi sera publié le document qui déterminera quels investissements seront considérés comme durables et lesquels ne le seront pas par l’exécutif, qui a pour priorité le virage vert du continent. Pour le moment, ils restent en dehors des sujets chauds du projet : le gaz et le nucléaire.

L’odyssée de la taxonomie verte de l’UE a commencé avec les meilleures intentions de la Commission. Un premier projet dur sur le gaz, avec des paramètres qui feraient perdre à la source fossile la licence d’énergie de transition sur laquelle l’industrie (et la plupart des pays européens, surtout en Europe de l’Est) parient au contraire depuis un certain temps. D’où la première levée de boucliers.

La pression des pays de l’Europe de l’Est

Les pays d’Europe de l’Est veulent que le gaz remplace le charbon, ils ont donc mis le pied à l’étrier et renvoyé la proposition de l’exécutif d’Ursula von der Leyen. Qui a retravaillé le texte en trouvant une position de compromis. La première version de la fiscalité verte de l’UE fixait une limite précise d’émissions pour les centrales à gaz : 100 g de CO2e/kWh. Assez bas pour disqualifier toutes les centrales électriques existantes aujourd’hui sur le continent. Un problème ressenti surtout en Europe de l’Est, où, pour dire adieu au charbon, les États misent sur les centrales à gaz qui émettent entre 300 et 350 g de CO2e/kWh.

La version revue et corrigée du document a laissé d’importants goulots d’étranglement pour encourager les États à investir sérieusement dans la transition, même si elle a assoupli d’autres critères. Feu vert pour les centrales de cogénération (production combinée de chaleur et d’électricité) ou de trigénération (refroidissement) au gaz, mais uniquement si elles remplacent une centrale électrique à combustible fossile et à fortes émissions.

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Le projet ne fixe pas de seuil rigide pour les émissions de ces nouvelles centrales électriques au gaz, mais établit comme critère que les centrales doivent réduire leurs émissions de 50 % par rapport à celles qu’elles remplacent. Pas seulement ça. Les nouvelles centrales au gaz ne seraient considérées comme durables que si elles sont opérationnelles d’ici 2025, avec la possibilité d’utiliser des combustibles à faible teneur en carbone, et si elles émettent moins de 270 g de CO2e/kWh.

Des conditions inacceptables pour l’Europe de l’Est, qui menaçait toujours d’opposer son veto. Le texte qui sera publié le 21 avril ne contiendra donc pas la partie sur le gaz. ” La Commission a l’intention de présenter une proposition législative distincte au quatrième trimestre de 2021, concernant spécifiquement la manière dont certaines activités économiques, principalement dans le secteur de l’énergie, contribuent à la décarbonisation “, peut-on lire dans un projet de proposition de la Commission obtenu par le portail Euractiv.

Et le nucléaire ?

Le même sort sera réservé au chapitre sur l’énergie nucléaire. Le sort de l’énergie atomique aurait théoriquement décidé le CCR, le centre d’étude interne de la Commission. Qui a donné le feu vert à l’énergie nucléaire parce qu’elle ne viole pas le principe de précaution dont les traités de l’UE sont innervés. Et sur l’énergie nucléaire pointent autant les pays de l’Est (encore à l’année zéro dans le domaine) que la France (qui tire de l’atome la plus grande part de son mix électrique). Mais tout le monde à Bruxelles ne semble pas convaincu de cette voie.

Des nouvelles également sur le front de la bioénergie, qui n’est plus qualifiée d’énergie transitoire mais dont les critères spécifiques seront précisés en juin, parallèlement au processus de révision de la RED (directive sur les énergies renouvelables). Quant aux forêts, la limite de surface au-delà de laquelle elles sont incluses dans la taxonomie verte de l’UE est fixée à 25 hectares. Trop élevé, disent les critiques, car il laisse de côté 2/3 des parcelles européennes, dont la taille moyenne est de 13 hectares. Une valeur sur laquelle la proposition doit être calibrée.