Dans une démarche inédite aux États-Unis depuis environ un demi-siècle, la Federal Trade Commission (FTC) s’insinue dans la logique de la concurrence entre les entreprises. L’autorité (US Antitrust Authority) a en effet approuvé une règle visant à interdire la non-concurrence au niveau national, dans le but de « protéger la liberté des travailleurs de changer d’emploi, d’accroître l’innovation et d’encourager la création de nouvelles entreprises ».

Les clauses de non-concurrence sont généralement imposées par les entreprises à leurs employés afin d’éviter des changements d’emploi trop fréquents entre entreprises du même secteur ou d’empêcher les travailleurs de créer de nouvelles entreprises. Selon la FTC, environ 30 millions de travailleurs sont soumis à une clause de non-concurrence. Dans le règlement final, la Commission a estimé que la clause appliquée constituait une méthode de concurrence déloyale et donc une violation de la section 5 de la loi sur la Commission.

Plus de 8 500 nouvelles entreprises chaque année et des salaires plus élevés

L’autorité antitrust américaine estime que la règle finale entraînera la création de 2,7 % d’entreprises supplémentaires aux États-Unis chaque année. Elle devrait également se traduire par une augmentation des salaires bruts des employés, estimée à 524 dollars supplémentaires par an pour le travailleur moyen, et par une réduction des coûts des soins de santé pouvant atteindre 194 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. En outre, la règle finale contribuera à stimuler l’innovation, entraînant une augmentation moyenne estimée entre 17 000 et 29 000 brevets supplémentaires chaque année au cours des dix prochaines années.

Selon le nouveau règlement de la FTC, les clauses de non-concurrence existantes pour la grande majorité des travailleurs ne seront plus applicables après la date d’entrée en vigueur.

En outre, l’Autorité a décidé que seules les clauses de non-concurrence existantes pour les cadres supérieurs – qui représentent moins de 0,75 % des travailleurs – peuvent rester en vigueur, mais il est interdit aux employeurs de conclure ou d’essayer d’imposer de nouvelles clauses de non-concurrence, même si elles concernent des cadres supérieurs.

L’impact sur les entreprises françaises aux États-Unis

La Commission a constaté que la clause de non-concurrence, qui existe dans les mêmes termes en France, tend à affecter négativement les conditions de concurrence sur les marchés du travail en empêchant une adéquation efficace entre les travailleurs et les employeurs. La Commission a également constaté que la non-concurrence affecte négativement les conditions de concurrence sur les marchés de produits et de services en empêchant la création de nouvelles entreprises et l’innovation. Il est également prouvé que la non-concurrence conduit à une plus grande concentration du marché et à des prix plus élevés pour les consommateurs.

« La règle approuvée par la Commission fédérale du commerce est certainement pertinente et pourrait également avoir un impact important sur les entreprises italiennes opérant aux États-Unis », commente un avocat du cabinet new-yorkais Tarter Krinsky & Drogin.

« D’après notre expérience, les entreprises françaises sont très sensibles à la protection de leurs intérêts commerciaux par le biais d’accords de non-concurrence. Cette sensibilité est particulièrement prononcée en Amérique en raison des grandes distances, car les entreprises sont plus vulnérables lorsque le contrôle est exercé à distance ».

En outre, l’avocat explique que les entreprises purement commerciales, comme c’est souvent le cas des filiales américaines, sont plus susceptibles de subir d’éventuelles répercussions négatives à la suite du départ d’un employé de l’entreprise : à New York en particulier, les entreprises d’un même secteur se disputent un marché bien défini et, à qualité de produit égale, la concurrence peut être féroce. Selon l’avocat, il y aura donc des tentatives de contester la loi pour la rendre inefficace. « En ce qui concerne les effets sur le secteur privé, bien qu’il soit encore trop tôt pour faire une prédiction fiable, on peut dire que l’élimination des clauses de non-concurrence pourrait pousser les entreprises à chercher d’autres voies contractuelles pour en atténuer les effets ».